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Collection de vieux ciseaux et de vieilles limes

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J'ai fait mes premières armes en ébénisterie avec comme seul attirail quelques outils électriques bon marché. Mon beau-frère m'a patiemment inculqué les rudiments du métier en m'aidant à fabriquer de mes deux premiers « essentiels » : mon établi et mon coffre à outils. Ma passion pour les outils manuels est apparue tout naturellement et ma collection ne cesse de grandir; soit en m'achetant les meilleurs outils que je puisse me payer, soit en restaurant de vieux outils trouvés ici et là.

À mes débuts, tout nouveau projet était une occasion d'en apprendre un peu plus sur le travail du bois. En découvrant comment me servir d'un tour, j'ai pu redonner un air de jeunesse à de vieux ciseaux rouillés que j'avais achetés sur eBay. Le tournage de mon premier jeu de manches m'a donné la piqûre. Depuis, je ne compte plus le nombre de ciseaux, de limes, de tournevis ou d'autres outils auxquels j'ai greffé un manche en bois tout neuf. Certains choix de bois se sont avérés judicieux; d'autres, moins. J'ai beau avoir fait éclater quelques manches ou gauchi de l'acier à plus d'une reprise, il demeure que je n'ai jamais eu à fouiller longtemps ou à dépenser beaucoup d'argent pour trouver d'autres retailles de bois ou de lames diverses offrant du potentiel.

Nouvelle poignée de scie et nouveaux manches de ciseaux

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J'ai compris assez tôt dans mon apprentissage que pour les manches d'outils appelés à encaisser des coups de maillet – par exemple, des ciseaux chanfreinés –, on doit faire appel à du bois au fil bien droit et au grain serré. Pour les ciseaux à parer et autres types d'outils qui n'ont pas à subir de coups, la marge de manœuvre en matière de choix d'essence est plus grande. Plus d'une fois, la pile de bois de chauffage ou les boîtes de rebuts de mes amis ébénistes m'ont fourni des pièces magnifiques pour la confection de mes manches. Traditionnellement, on utilisait les bois de pommier, de poirier, de chêne, de caryer et de hêtre pour la fabrication de manches. J'ai également obtenu de bons résultats avec les bois d'abricotier, d'érable, de noyer et de cerisier.

Ébauches dont le centre est marqué par un X

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Ma technique de base pour réaliser des manches cylindriques est la suivante. Choisissez d'abord un bloc carré dont les côtés sont légèrement plus grands que le diamètre maximal du manche projeté et 1/2 po plus long (vous comprendrez pourquoi un peu plus loin). Tenez le bloc à 45° et, à l'aide d'une scie à ruban, taillez des rainures peu profondes d'un coin à l'autre, à chaque extrémité du bloc. Les X ainsi tracés indiquent précisément les points centraux où viendront s'appuyer les pointes du tour. Si le manche à produire est destiné à s'insérer dans une douille (n'oubliez pas d'inclure la profondeur de la douille dans vos mesures de départ), vous êtes d'ores et déjà prêt à commencer le tournage.

Dans le cas d'un manche destiné à un outil doté d'une soie, il sera nécessaire de percer le bloc avant de le placer sur le tour. Si le diamètre de la soie est uniforme – comme c'est le cas pour les tournevis – plutôt que fuselée, on pourra percer avec une mèche droite du même diamètre que la soie. Le moment venu, la soie pourra être insérée puis fixée avec de la colle extraforte ou de l'époxy.

Mesure de la largeur de la soie

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Dans le cas d'une soie fuselée – forme classique pour les ciseaux et les limes sans douille –, le trou d'insertion devra se rétrécir pour s'y conformer. Si l'ajustement est rigoureux, vous n'aurez pas besoin de colle ou d'époxy pour l'assemblage final. Pour ce faire, il existe, sur le marché, différentes mèches coniques, mais avec un peu d'huile de coude, vous arriverez à produire un orifice sur mesure sans mèche spéciale. On mesure d'abord la largeur de la soie au trois quarts de sa longueur à partir du bout. Ce sera le diamètre de mèche requis pour le perçage. Petite parenthèse : vous remarquerez qu'un bon nombre d'outils anciens présentent des soies gauchies. N'achetez pas d'outils aux soies gauchies. Leur fabriquer un manche s'avérera presque impossible. Vous pouvez bien tenter de les redresser à l'aide d'un chalumeau, d'un marteau et d'une enclume; pour ma part, je ne compte plus la quantité de soies cassées après m'être improvisée forgeronne. Mon point de vue est qu'une soie de travers produira un outil de travers.

Insertion de la soie dans le trou percé dans l'ébauche

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Après avoir sélectionné votre mèche, percez une des extrémités du bloc, à une profondeur équivalant à la longueur de la soie. En fait, mieux vaut creuser un peu au-delà de cette mesure, plutôt que l'inverse. Après avoir été insérée, la soie devrait coincer à un peu moins du 3/4 de sa longueur. Retournez l'assemblage en maintenant la soie logée dans l'ouverture, puis utilisez un maillet pour frapper le dessus du bloc à quelques reprises. Par un phénomène que je ne m'explique pas, ces quelques coups font remonter la soie dans le manche. Une précaution s'impose cependant : effectuez cette opération au-dessus de l'établi (sans toutefois y appuyer la lame) ou d'un tapis. Si vous vous exécutez directement au-dessus d'un plancher de béton et que la soie glisse hors du bloc, la lame risque de s'abîmer en tombant sur le plancher.

Tenez ensuite le bloc de bois d'une main et saisissez la lame du ciseau de l'autre, puis faites pivoter l'un par rapport à l'autre jusqu'à ce que la soie se libère. Cette action érode l'intérieur du trou par effet de friction et permet de créer une ouverture parfaitement dimensionnée. Si vos coups de maillet étaient un peu trop insistants et que la soie ne semble plus vouloir bouger d'un iota, immobilisez la lame dans un étau de manière à pouvoir utiliser vos deux mains gantées pour tourner et dégager le bloc de bois. Prenez garde, par contre, de ne pas être trop brusque et de risquer de casser le ciseau dans l'étau. Répétez l'exercice jusqu'à ce que la soie soit insérée à 1/4 po de l'épaulement (ou moins s'il s'agit de bois très dur dont les fibres se compriment très peu). Vous pouvez maintenant retirer la lame et passez à l'étape du tournage. Lorsque le manche aura été profilé et équipé d'une virole, la soie pourra être insérée jusqu'au bout, en appuyant l'extrémité du ciseau sur un bout de bois et en vous servant de nouveau du maillet pour enfoncer le manche.

Tournage d'un manche

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L'étape suivante consiste à monter la pièce sur le tour. Les deux X taillés précédemment facilitent évidemment les choses, notamment si vous devez retirer, puis replacer le manche durant le tournage afin de vérifier l'ajustement d'une virole ou l'assise dans une douille. Si votre bloc a déjà été percé pour un outil à soie, la pointe de la poupée mobile devra s'insérer dans le trou. Effectuez un premier dégrossissage, en étant prudent lorsque vous éliminez les arêtes des coins. Veillez à ne pas trop amincir la pièce, surtout si le diamètre final du manche est proche de la largeur initiale du bloc. À l'aide d'un crayon, marquez la pièce pour situer la portion la plus mince et la plus large, ainsi que tout élément spécial. Marquez aussi la longueur de la virole ou de la douille. Transcrivez vos mesures pour référence ultérieure. N'oubliez pas non plus de tenir compte de l'amincissement qui résultera de l'éventuel ponçage. Pour ce qui est du style, j'ai expérimenté avec plusieurs profils, mais mon préféré demeure celui des anciens ciseaux Stanley 720. Chaque fois que j'entreprends la confection d'un nouveau jeu de ciseaux, j'en garde un exemplaire à portée de main comme modèle.

Avant de profiler la zone destinée à accueillir la virole ou à s'insérer dans la douille, mesurez-en les diamètres intérieur et extérieur pour vous assurer d'un ajustement parfait entre le bois et le métal. Pour obtenir des mesures précises, il faut compter sur un pied à coulisse de qualité. Un tournage parfait à cette étape requiert de la pratique, ne vous découragez pas si vos premiers essais ne « tournent pas rond ». Pour un ciseau à douille, conservez quelques seizièmes de pouce supplémentaires en longueur et quelques millièmes en diamètre pour la portion à insérer, afin de tenir compte de la compression des fibres au moment de l'ajustage avec le maillet. Ce surplus rend aussi l'outil mieux adapté à l'expansion et à la contraction saisonnière du bois.

Image de gauche : Évaluation de la progression du tournage. Image de droite : Coupe mince exécutée avec un ciseau à bois large.

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Arrêtez le tour de temps à autre pour examiner la progression de l'ouvrage. Manipulez le manche pour évaluer sa prise en main et son équilibre. Comparez-le au besoin avec votre outil de référence et poursuivez son peaufinage.


Pour tourner la portion fuselée du manche qui s'insérera dans la douille, l'utilisation d'un gros ciseau chanfreiné, d'une lame de rabot ou d'un ciseau de charpentier vous aidera à exécuter une coupe droite et à maintenir un angle uniforme. Placez l'outil sur le porte-outil biseau vers le bas et procédez avec précaution par coupes très minces.


Saignée faite avec un grain d'orge

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Après avoir atteint la forme de base voulue et effectué la plupart des ajustements, il reste à faire la saignée qui permettra de détacher le manche de la portion rattachée à la poupée fixe (il s'agit de la portion de 1/2 po ajoutée à la longueur de l'ébauche au départ). Faites la saignée avec un grain d'orge, en laissant environ 1/4 po de diamètre de bois au fond de la saignée. Vous pourrez ainsi, au besoin, remonter le manche sur le tour pour faire des retouches mineures. Poncez et appliquez l'enduit de finition sur le manche, sauf pour la portion qui sera détachée et celle qui s'insérera dans la douille ou dans la virole.

L'autrice insérant un ciseau dans le manche tourné

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Au moment de l'ajustage initial de la lame avec le manche, évitez de recourir immédiatement au maillet si les deux pièces semblent un peu trop serrées. Vous risqueriez de fissurer la douille ou encore de faire éclater l'extrémité du manche avec la soie. Si les deux composantes se coincent pendant que vous installez la virole ou la douille à leur place, fixez la lame dans un étau et empoignez le manche pour le dégager manuellement. Encore ici, une bonne paire de gants améliorera votre prise. Après avoir libéré le manche, examinez la zone de contact; les endroits où le bois paraît luisant indiquent là où se produit une trop grande friction avec le métal. Si l'ajustement est trop serré, réinstallez le manche sur le tour et réduisez son diamètre d'un poil. Si le profilage de la pièce est trop avancé pour la replacer sur le tour, vous pouvez ciseler manuellement les zones concernées ou les poncer avec du papier abrasif de grain 80 (étant donné que cette partie du manche ne sera plus visible après l'assemblage final, nul besoin de la peaufiner outre mesure).

Deux limes pourvues d'un nouveau manche

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En ce qui concerne les viroles pour vos différents projets d'outils à soie, vous avez le choix entre la solution simple, qui consiste à vous procurer en magasin des viroles prêtes à assembler, ou l'approche économe, en récupérant des viroles en laiton sur de vieux manches de ciseau. Pour ma part, j'ai actuellement un penchant pour le cuivre et j'ai choisi de recycler de vieux tuyaux en les coupant en longueurs de 1/2 po pour en faire des viroles.


Une virole s'installe sur le manche de la même façon qu'une douille. Il suffit de mesurer d'abord son diamètre extérieur, de tourner la portion du manche pour reproduire cette dimension, puis de suivre la même procédure pour le diamètre intérieur.


Le cuivre constitue un matériau de choix pour fabriquer des viroles en raison de sa malléabilité; on peut le couper à l'aide d'une scie à ruban et il peut même être modérément travaillé au ciseau. Également, pas besoin de le masquer avant d'appliquer la finition sur le bois du manche (personnellement, j'applique plusieurs couches d'huile d'abrasin, puis de la cire d'abeille avec un linge). Le cuivre conservera son lustre attrayant pour un bon bout de temps. Lorsqu'il commencera à s'oxyder, vous pouvez soit laisser la nature faire son œuvre, soit entretenir son esthétique avec un bout de laine d'acier 0000 et un peu d'huile ou de cire. Pour ma part, je prends soin de nettoyer mes outils correctement avant de les ranger et je leur prodigue ponctuellement une petite friction à l'huile de jojoba avec un chiffon en microfibre. Cette petite attention est bénéfique autant pour le manche en bois que pour la portion métallique de l'instrument.


Jeu de ciseaux anciens avec de nouveaux manches

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Après avoir terminé le tournage, poncé à votre guise (j'aime bien pousser la finition jusqu'à du grain 400), mis en place la virole et fixé la soie ou la douille, il vous reste à faire sauter le petit bouton de bois qui servait de jonction entre la poupée fixe du tour et le manche. Coupez-le avec une scie à main ou la scie à ruban, puis parachevez l'extrémité du manche au ciseau, au couteau de sculpteur ou avec du papier abrasif.

Dans le cas d'un manche de ciseau à douille, vous pouvez également immobiliser sa pointe d'insertion du manche dans le mandrin d'une perceuse ou d'une perceuse à colonne, ce qui vous permettra d'accomplir la finition au papier abrasif et à l'éponge plus rapidement. De cette manière, vous obtiendrez une esthétique des plus professionnelles, particulièrement pour les ciseaux à parer et les autres outils qui n'ont pas à endurer les chocs d'un maillet.

Procédez à l'assemblage final avec votre maillet, puis complétez la finition de l'extrémité où était rattaché le bouton de bois. Quelques gouttes d'huile, puis un peu de cire appliquée avec un chiffon en microfibres en guise de touche finale, et votre vieil outil « tout neuf » est prêt à façonner le bois pendant une autre centaine d'années.

Texte et photos : Anne Briggs Bohnett

La jeune ébéniste Anne Briggs Bohnett habite à Nashville, Tennessee et se passionne pour les façons ancestrales de travailler le bois. Découvrez son site Web (en anglais) : anneofalltrades.com.