Rien qu'un bloc de bois?

Présenter ses outils et ses techniques à autrui était et est encore aujourd'hui une sorte de tradition dans les corps de métier et constitue l'une des meilleures façons de transmettre son savoir. Je me souviens que ma passion et mon attachement pour les différents métiers m'ont permis d'être accepté par ceux qui les exerçaient. J'ai alors été autorisé à ouvrir n'importe quel tiroir et n'importe quel coffre à outils, à observer les outils et à poser toute sorte de questions. En fait, il était impératif de poser des questions. Personne ne voyait ça comme une impolitesse, mais comme une façon de passer le flambeau. Ayant eu la chance d'être introduit dans les cercles initiés des métiers du bois et du métal, j'ai pu avoir de nombreux mentors qui m'ont montré les ficelles de leur métier. Si ce n'était de ce partage, bien des gabarits et porte-pièces auraient été relégués aux oubliettes et tout ce savoir spécialisé serait perdu. On suppose que cet outil, abondamment utilisé par un artisan qui le fabriqua dans un but précis, fait justement partie de ces trucs du métier qui ont été oubliés.

Fabriqué dans ce qui semble être du noyer, cet objet de 4 5/8 po de long a été trouvé dans un amas d'outils mis de côté afin d'être, un jour, examinés plus en profondeur. Malheureusement, il fut trouvé il y a plus de 25 ans et toute trace de sa provenance a disparu. Nous ne rouvrirons pas le débat, une fois de plus, qui divise les collectionneurs et les utilisateurs – la distinction entre les deux a été plutôt floue ces 10 dernières années – alors que le groupe des utilisateurs devient maintenant de plus en plus important. À première vue, l'objet semble être un capuchon de poteau sculpté à la main ou encore un mentonnet. Mais cette hypothèse a dû être rejetée après qu'un examen plus approfondi a révélé des pointes métalliques enfoncées dans chacune des quatre faces du corps de l'objet et qui semblent servir à indiquer des mesures particulières. Bon, c'est facile, c'est un trusquin. Pas si vite, l'ami! Quelle sorte de trusquin? Et fabriqué dans quel but exactement? La tête octogonale en forme de champignon tient parfaitement au creux de la main, et l'une des faces du corps comporte une encoche en angle qui servait peut-être de premier repère. Les pointes métalliques sont des clous de finition limés en pointe après avoir été enfoncés. La face du corps avec l'encoche ne comporte qu'une pointe tandis que les trois autres faces en comportent deux, probablement pour tracer une mortaise ou le tenon qui lui correspond. La pointe seule se trouve à 1 3/16 po (30 mm) de la tête. Quant aux pointes par paires, elles se trouvent respectivement à 1/2 po et 1 po (12,5 mm et 25 mm), 3/4 po et 1 3/16 po (19 mm et 30 mm), et 1/4 po et 1 1/2 po (6 mm et 38 mm) de la tête. Toutes les mesures sont approximatives. Il faut dire que l'outil est bien usé. À la fois simple et bien pensé, cet objet ne demande qu'à atterrir au creux de votre main.

Cet outil a fait le tour de différents groupes d'experts qui ont tous essayé de trouver de quel métier il pouvait bien provenir et à quoi il pouvait servir exactement. Fabrication de châssis, fabrication de chaises, outil de traçage pour l'assemblage de petits meubles... Bien des choses ont été proposées. Peut-être que, avec les connaissances cumulées des lecteurs, il y a quelqu'un qui a déjà vu un objet semblable. Si tel est le cas, je vous demande de ne pas rompre la tradition, et de bien vouloir partager votre savoir avec moi.

 

D. S. Orr

 

D. S. Orr collectionne, utilise et étudie les outils pour le travail du bois et des métaux, et se consacre à sa passion depuis plus de 40 ans. Maintenant à la retraite, il y consacre encore plus de temps.