Un outil émoussé est un outil dangereux. Au contraire, un outil bien affûté est plus facile à maîtriser et produit de meilleurs résultats. Tous les travailleurs du bois doivent acquérir une méthode d'affûtage qui leur convient. De même, ils doivent choisir le matériel qui leur sied le mieux. Cette aptitude est le seul moyen de tirer le meilleur parti de ses outils et de devenir un artisan accompli.
Le tranchant d'une lame est constitué de la rencontre de deux surfaces. Chacune doit être traitée avec autant de soin pour obtenir un tranchant acéré. Pour une lame de rabot ou un ciseau à bois, le dos de la lame nécessite donc autant d'attention que le biseau. Le dos de la lame constitue la surface de référence pendant l'utilisation, il doit donc être bien plat. La finesse du tranchant et l'efficacité d'une lame reposent sur le soin apporté au traitement de ces deux surfaces.
La technique et le matériel d'affûtage employés sont souvent une question de préférence. Qu'il s'agisse de pierres à eau, à huile ou en céramique, d'une affûteuse électrique, de papier abrasif ou de pâte abrasive, la plupart des moyens permettront d'obtenir un bon tranchant s'ils sont employés proprement. À vous de choisir la méthode qui vous convient le mieux.
Bien des travailleurs du bois débutants peuvent se sentir intimidés par l'affûtage. Faire un choix parmi tous les produits et tous les accessoires offerts demande réflexion. L'affûtage se divise en trois étapes distinctes, mais seule la dernière est fréquemment utilisée : le rodage, le meulage et le polissage.
Dans un premier temps, il faut s'assurer que la planéité du dos de la lame est adéquate. Le rodage, comme on nomme cette étape, sert à établir la surface de référence pour l'affûtage du biseau. Il est important que le dos et le biseau soient apprêtés avec un abrasif de même grain, et, pour obtenir un bon tranchant, celui-ci doit être suffisamment fin.
La plupart des lames sont meulées en usine, mais cet affûtage ne remplace pas l'utilisation d'une pierre à affûter de qualité. Avant de servir, les lames des outils anciens doivent souvent subir un rodage important. Peu importe le type de lame, la façon de les roder demeure la même.
Il n'est pas nécessaire de roder tout le dos de la lame. Il suffit que la section de la lame qui servira soit bien plane. Une lame de rabot rodée sur environ un demi-pouce à partir du tranchant pourra être réaffûtée des centaines de fois avant qu'un nouveau rodage s'impose. Notez que dans le cas d'un ciseau à bois, tout le dos de la lame doit être rodé. Cependant, seule une petite section près du tranchant doit être polie.
Il faut d'abord évaluer la planéité du dos de la lame en y traçant des hachures à l'aide d'un marqueur. Puis, dans un mouvement rotatif, rodez le dos sur une pierre fine bien plane, par exemple une pierre diamantée de grain 1200 ou une pierre à eau de grain 8000. À ce stade, quelques passes sur toute la longueur de la pierre suffisent.
Le dos de la plupart des lames neuves ne nécessite qu'un léger rodage sur une pierre fine avant de pouvoir être poli. Les lames qui présentent des creux ou des bosses doivent d'abord être rodées sur une pierre plus grossière, puis avec des pierres au grain de plus en plus fin pour éliminer les rayures.
Il importe de préparer le dos en passant des abrasifs de mêmes grains que ceux qui serviront à polir le biseau. Si vous polissez le biseau avec une pierre en céramique de grain 8000 ou 10 000, celle-ci doit aussi servir à roder le dos de la lame près du tranchant. Roder le dos avec la pierre la plus fine dont on dispose est une pratique populaire et appropriée, mais facultative. Rien ne témoigne mieux de la préparation minutieuse d'une lame qu'un fini miroir sur le dos.
Une fois le dos adéquatement rodé, la lame est prête à être affûtée.
Le meulage s'impose lorsqu'il est nécessaire de reformer le biseau principal, de faire disparaître des ébréchures ou de rétablir l'angle avant de polir le biseau secondaire (le microbiseau). Cette étape requiert habituellement des abrasifs au grain plus grossier ou un appareil électrique afin d'enlever de plus grandes quantités de métal. Le meulage du biseau est terminé lorsque le dos de la lame présente un morfil (un résidu de métal) sur toute sa largeur. Comme l'abrasif relève l'acier par-dessus l'arête à meuler, plus son grain est grossier, plus le morfil est important.
Si la lame est ébréchée, il faut d'abord éliminer les encoches à l'aide d'un touret ou d'un abrasif à grain grossier, par exemple une pierre diamantée ou du papier abrasif. La lame doit demeurer perpendiculaire pendant l'opération pour éviter de rendre le tranchant oblique.
Il faut également meuler la lame pour rétablir le biseau principal lorsque le microbiseau est devenu trop large pour qu'un simple polissage soit efficace. En général, un travailleur du bois meule le biseau à nouveau après 10 à 15 polissages.
Comme le meulage suppose qu'il faut retirer beaucoup de matière comparativement au polissage, l'utilisation d'abrasifs grossiers est de mise. Les appareils d'affûtage électriques s'avèrent particulièrement efficaces pour rétablir rapidement un biseau principal. Il y a toutefois le risque de faire surchauffer le métal et de lui faire perdre sa trempe. Cela peut se produire bien avant que l'acier change de couleur. Si le métal devient trop chaud au toucher, un temps de refroidissement est nécessaire.
On peut aussi recourir à un touret d'établi muni de différents accessoires pour obtenir rapidement un biseau principal parfait. Les ateliers où l'affûtage fait partie des tâches quotidiennes ont besoin d'appareils d'affûtage électriques pour s'acquitter rapidement de cette tâche.
Le meulage manuel fait quant à lui appel aux mêmes abrasifs et aux mêmes accessoires que ceux utilisés pour le polissage. C'est souvent la méthode qu'adoptent les débutants pour commencer. Le meulage manuel prend plus de temps, mais il risque moins d'endommager les lames. Il laisse aussi davantage de jeu pour corriger le tir en cas d'erreur.
Placez la lame dans le guide en fonction de l'angle du biseau principal voulu, puis meulez-la. Le temps requis pour le meulage dépend de la rugosité de l'abrasif. Si vous optiez pour un abrasif de grain 1000, par exemple, l'opération demanderait beaucoup de temps. C'est pourquoi un abrasif plus rugueux est nécessaire. Une pierre diamantée rugueuse est un bon choix, car en plus de meuler rapidement le biseau principal, on peut s'en servir pour dresser les pierres à eau ou en céramique. Une option plus abordable consiste à coller un papier abrasif sur une surface plane en verre ou en granit. On peut utiliser du papier autocollant ou du papier ordinaire fixé avec un adhésif en aérosol. Il est important de débarrasser le papier des particules de métal pour qu'il conserve son pouvoir abrasif.
Le choix de la rugosité de l'abrasif est un compromis entre le temps gagné pour enlever de la matière et le temps nécessaire pour éliminer les rayures laissées par un abrasif trop grossier. C'est pourquoi le grain ne devrait pas être inférieur à 100 ou 80. À mesure que le meulage progresse, il faut passer à un abrasif de plus en plus fin pour éliminer les rayures laissées par l'abrasif précédent.
La rugosité de l'abrasif employé pour le meulage est une question de préférence, puisque c'est le microbiseau qui, dans les faits, procure son pouvoir tranchant à une lame. Mais en éliminant les rayures sur le biseau principal, on s'assure de ne pas en retrouver sur le microbiseau. On recommande souvent de terminer le meulage du biseau principal avec une pierre diamantée de grain 600 ou encore avec une pierre à eau ou en céramique de grain 1000. Quand le biseau principal est correctement meulé, il est temps de passer au polissage du tranchant.
Le polissage est la troisième et ultime étape de l'affûtage. Il peut être exécuté à main levée ou à l'aide d'un guide. Plus rapide, le travail à main levée nécessite une pratique et un entraînement réguliers pour conserver la mémoire motrice requise pour obtenir des résultats optimaux. Pour produire des résultats constants, il est fortement recommandé d'utiliser un guide d'affûtage.
Une fois la lame en place dans le guide, travaillez en passant progressivement d'un abrasif grossier à un abrasif plus fin. Après avoir utilisé l'abrasif le plus fin, il faut polir le dos sur une pierre du même grain pour retirer le morfil. Pour créer un microbiseau, si désiré, augmentez légèrement l'angle et effectuez quelques passes sur la pierre la plus fine. Polissez de nouveau le dos de la lame avec une pierre du même grain pour retirer le morfil. L'outil est alors prêt à servir.
Savoir quand une lame a besoin d'être affûtée est une aptitude qui s'acquiert avec l'expérience. Si un ciseau coupe difficilement le bois de bout ou si un rabot commence à résister pendant le recalage ou le dressage d'une pièce, un polissage rapide est alors requis.
Pour éviter d'avoir à remeuler le biseau principal à chaque fois, la plupart des travailleurs du bois créent un microbiseau sur leurs lames. On crée un microbiseau en augmentant l'angle de la lame d'un degré ou deux par rapport à l'abrasif et en polissant uniquement le bord du biseau principal. Un polissage sur un ou deux millimètres depuis l'arête avec une pierre à grain très fin retirera assez de métal en quelques passes pour produire un tranchant acéré. Quelques passes devraient suffire pour créer un morfil au dos de la lame. Une fois le morfil formé, retirez la lame du guide, puis rodez le dos avec la même pierre. Vous pourrez ensuite retourner au travail.
Dans le cas de la plupart des lames de rabot et de ciseau, vous devriez pouvoir polir le microbiseau de 10 à 20 fois avant de devoir meuler le biseau principal à nouveau. Plus le microbiseau est large, plus le polissage demande du temps, car il faut retirer davantage de métal pour obtenir un tranchant acéré. Une des meilleures pratiques pour polir un microbiseau consiste à effectuer juste assez de passes sur la pierre pour créer un morfil au dos de la lame. Cette pratique limite la quantité de métal enlevée et augmente le nombre de polissages possibles avant qu'il faille meuler le biseau principal.
Que la lame présente un microbiseau ou non, il faut procéder de la même façon pour la polir. Habituellement, le polissage s'effectue avec la pierre la plus fine dont on dispose. De nombreux artisans utilisent une pierre à eau ou en céramique de grain 8000, ce qui convient à la plupart des tâches. Pour travailler des bois très durs ou au fil particulièrement enchevêtré, on utilise souvent une pierre encore plus fine, de grain 10 000 ou plus, et jusqu'à 30 000 pour affûter un rasoir droit. Si les pierres à grain très fin produisent des tranchants extrêmement acérés, ceux-ci sont toutefois fragiles et s'usent très rapidement, peu importe le métal. Il vaut donc mieux éviter de polir le tranchant plus qu'il n'est nécessaire pour la tâche à accomplir.
Une lame de rabot ou de ciseau affûtée avec une pierre de grain 8000 comportera un tranchant convenant à la plupart des tâches, et le conservera assez longtemps. L'emploi d'une pierre à grain encore plus fin peut s'avérer judicieux pour obtenir un tranchant parfait avant d'effectuer une coupe finale avec un rabot ou un ciseau. Il faut se rappeler que la dernière pierre utilisée pour roder le dos de la lame détermine la qualité du tranchant au même titre que celle utilisée pour polir le biseau. Si l'on affûte le biseau avec des pierres très fines au grain supérieur à 10 000, il faut utiliser les mêmes pour roder le dos. Rappelez-vous qu'un tranchant parfait est formé par la rencontre de deux surfaces bien préparées.
Positionnez la lame dans le guide d'affûtage et réglez-le selon le bon angle pour polir le microbiseau. Faites quelques passes sur la pierre la plus fine que vous possédez en tirant la lame vers vous jusqu'à ce qu'un morfil se forme au dos. Retirez la lame du guide, retournez-la et rodez-en le dos pour éliminer le morfil. Vous pourrez ensuite retourner au travail.
Des lames bien affûtées vous permettent de tirer le maximum de vos outils. Il n'y a rien de plus satisfaisant que le son d'un rabot qui détache sans effort de minces copeaux en laissant derrière lui une surface lisse et nette. Lorsque vous aurez trouvé la méthode et le matériel d'affûtage qui vous conviennent, aucun doute que vous apprécierez pleinement les joies du travail du bois avec des outils manuels.
