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Dans l'un de ses livres, le maître ébéniste James Krenov a déclaré que « fabriquer une armoire d'allure distincte, élégante et raffinée, puis y fixer des tiroirs et des portes faciles à ouvrir ou à fermer en toute saison constitue en quelque sorte un exploit ». Bien entendu, cette remarque demeure valable quelle que soit la nature de l'ouvrage. Qu'il s'agisse de placages, de coffres, de tables ou de structures où intervient un assemblage à contrefil, il faut toujours porter une attention particulière au facteur que Krenov appelle « l'humeur des saisons ».
Ne pas tenir compte du mouvement du bois risque d'entraîner des conséquences catastrophiques avec le temps. Voici ce qu'il faut savoir pour éviter que les meubles que vous fabriquez tombent graduellement en morceaux.
Comprendre les causes du mouvement du bois
Pendant l'été, lorsque le temps est sec, le bois relâche l'humidité qu'il contient, ce qui le fait rétrécir. L'hiver, mon atelier, qui sert aussi de garage la nuit, est très humide à cause de la neige que transportent les véhicules. Le bois que j'y entrepose absorbe l'humidité ambiante et se dilate. Dans la maison, je maîtrise les variations d'humidité au moyen d'un humidificateur.
Lorsqu'on connaît les variations d'humidité saisonnières d'un lieu, on peut prévoir le comportement du bois et agir en conséquence. Par exemple, il faut opter pour un ajustement lâche si l'on fabrique un tiroir en été, car la façade prendra de l'expansion pendant les journées humides.
Reconnaître les manifestations du mouvement du bois
On peut prédire non seulement la réaction du bois aux variations d'humidité, mais également la manière dont il se dilatera et se contractera. Concrètement, le bois gonfle ou rétrécit à contrefil et le long des rayons médullaires. Plus une pièce est large et épaisse, plus les variations d'humidité la feront travailler. En général, on peut ignorer le mouvement dans le sens de la longueur et dans le sens de l'épaisseur si cette dernière est inférieure à 1 1/2 po.
Choisir les essences et les modes de débit
Selon l'essence et le mode de débit, le bois réagit différemment aux variations d'humidité. Par exemple, le frêne et le bouleau conservent mieux leurs dimensions que le chêne rouge. Dans un même ordre d'idées, le bois scié sur quartier travaille deux fois moins sur l'axe transversal que celui scié sur dosse, celui-ci résistant mieux au mouvement sur l'épaisseur. Tenir compte de ces caractéristiques permet de choisir l'essence et le débit appropriés aux composants importants de l'ouvrage.
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Utiliser un humidimètre
Je me sers d'un humidimètre pour deux raisons : 1) vérifier si le bois s'est stabilisé et 2) m'assurer que la teneur en humidité des pièces est comparable. La teneur en humidité des pièces servant à fabriquer des meubles d'intérieur exposés à une chaleur et à une humidité moyennes doit se situer environ entre 8 % et 12 %. Dans un environnement plus chaud et plus sec, le bois doit contenir une quantité d'eau moindre. Pour bien utiliser l'humidimètre, prenez la mesure sur le chant de la pièce.
Ébéniste utilisant un humidimètre
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Calculer le mouvement du bois
Pour déterminer le degré de variation des dimensions d'une pièce, j'utilise un guide de référence. En guise d'exemple, je présente les étapes pour calculer le mouvement du couvercle d'un coffret de style japonais que j'ai terminé récemment (voir l’encadré plus bas). Si vous ne disposez pas d'un guide de référence, vous trouverez en ligne des calculatrices qui vous permettront d'établir la valeur du mouvement du bois.
Marge de gonflement du couvercle du coffret
Essence :
Sapin de Douglas
Couvercle :
Largeur du panneau : 8 3/8 po
Taux d'humidité de mon domicile (température de 16 °C; humidité relative de 35 %) : 5 %
Mouvement tangentiel selon le guide : 0,0026
Mouvement prévu (marge de sécurité de 25 %) : 8 3/8 po x 0,0026 x 5 x 1,25 = 0,136 po ou 9/64 po
L'ouverture du coffret mesure 8 1/2 po de largeur. Cette marge suffira amplement à permettre le mouvement du bois du couvercle d'une saison à l'autre.
Image du haut : Guide de mouvement du bois et humidimètre. Image du bas : Coffret de style japonais.
Résoudre les difficultés associées au mouvement du bois
En matière de mouvement du bois, il vaut mieux prévenir que guérir. Personnellement, j'interviens dès l'étape du corroyage. Voici quatre techniques courantes que j'emploie pour composer avec le mouvement du bois. Pour en savoir plus, consultez les ouvrages mentionnés dans la section Autres ressources pertinentes (en anglais seulement) à la fin de l'article.
Fixer le dessus d'un meuble
Dans ce cas, les composants de l'assemblage gonflent et rétrécissent en sens opposé, ce qui affaiblit ou brise le joint au fil des saisons. La solution consiste à laisser une des pièces de l'assemblage travailler librement. Au fil du temps, j'ai fabriqué des tables d'appoint dont j'ai fixé le dessus avec des taquets en bois ou des attaches pour plateau de table pour ne pas entraver son mouvement transversal. En ce qui concerne le plateau d'une table basse d'inspiration moderne que j'ai fabriquée pour ma fille, je l'ai vissé dans les trous allongés percés dans la base.
Image de gauche : Fixation d'un plateau de table avec des attaches en métal.
Image de droite : Charles Mak vissant un plateau de table au piètement.
Bien orienter les planches
De manière générale, une planche s'incurve sur la largeur, dans le sens opposé à la courbure des cernes. Lors de la fabrication d'une boîte bombée pour un ensemble d'outils, j'ai orienté vers l'extérieur le côté cœur des planches qui forment les côtés, pour éviter que les joints ouvrent si le bois devait travailler.
Boîte bombée fabriquée par l'auteur
Éviter le mouvement des panneaux
Dans la fabrication de meubles, je privilégie deux méthodes pour éviter le mouvement des panneaux. La plus simple consiste à utiliser du contreplaqué. C'est le cas du panneau arrière de mon armoire à outils, que le mouvement du bois ne pourra pas endommager.
Armoire à outils avec panneau arrière cloué
Lorsque l'emploi de panneaux en bois massif est de mise, j'ai recours à un assemblage à rainure et languette. Ç'a été le cas lorsque j'ai fabriqué une boîte de rangement de style japonais. Ce type d'assemblage empêche l'apparition de fentes qu'on retrouve sur bon nombre de vieilles armoires.
Vérification de l’équerrage d’une boîte en bois
Application uniforme du fini
La croyance selon laquelle les produits de finition empêchent les transferts d'humidité est un mythe. Pour Krenov, c'est aussi impensable que de vouloir empêcher une personne de respirer. Certains finis atténuent le mouvement du bois, mais ils ne le freinent pas. Au moment de la finition, appliquez le même nombre de couches de produit sur toutes les surfaces pour que l'humidité se transfère uniformément afin de limiter le plus possible le risque de déformation.
À l'aide de ces techniques, j'ai fabriqué une table pour coin-repas en sapelli, pour ma femme cette fois-ci. J'ai dimensionné le bois, enlevé la même quantité de matière de chaque côté en les dressant, fixé le dessus de la table au piètement en le vissant dans des trous allongés pratiqués dans le sens du fil, puis appliqué six couches de vernis sur toutes les surfaces, en prenant soin d'attendre que chacune sèche. En travaillant de cette façon, vous fabriquerez des meubles qui résistent à l'épreuve du temps.
Texte et photos : Charles Mak
Maintenant à la retraite, Charles Mak est ébéniste amateur passionné, enseignant, rédacteur et conseiller. Il a aussi travaillé à temps partiel au magasin Lee Valley de sa région.
Autres ressources pertinentes (en anglais seulement)
CUMMINS, Jim. « Cross-grain Constructions », Fine Woodworking, septembre-octobre 1988.
FRID, Tage. « Textbook Mistakes », Fine Woodworking, printemps 1976.
KRENOV, James. The Fine Art of Cabinetmaking, Sterling Publishing Co. Inc., 1992.
Lee Valley Tools, Wood Movement Booklet, Lee Valley Tools, 2003.
