Utiliser un triangle pour établir les pièces d’un projet

Même s'il s'adresse aux travailleurs du bois, cet article ne traite pas de matériaux, d'outils ou de techniques. Mais je trouve le sujet assez important pour constituer le premier article de ce que j'espère être une longue série destinée à partager les notions que j'ai apprises au cours de ma carrière.

La première étape d'un projet consiste à examiner les planches qui le composeront pour déceler les défauts ou pour repérer les aspects intéressants afin de déterminer comment les couper. Après ce premier débitage, il faut pouvoir déterminer à quoi servira chaque pièce et quelle sera sa place dans le meuble. Quel côté sera le parement? Où sera le haut?

Une méthode pour y arriver tout en évitant des erreurs subséquentes consiste à tracer un triangle en guise de signe d'établissement. Selon moi, l'utilisation du triangle est un moyen infaillible, et un des plus simples, de marquer les pièces d'un projet. Courante en Europe continentale, cette méthode est moins connue ailleurs. La façon de faire est simple : l'artisan utilise un triangle isocèle dont le sommet pointe vers le haut, ou s'éloigne de lui, et marque chacune des pièces par rapport aux autres. L'avant et l'arrière d'un tiroir, par exemple, seront marqués ensemble. (Des pièces associées l'une à l'autre sont appariées.) Chaque pièce doit minimalement porter la marque de deux côtés du triangle et celui-ci doit être tracé sur la face ou le chant de la pièce, jamais sur le bout. Cette règle ne souffre aucune exception.

Comment fonctionne l'établissement des pièces

Pour illustrer la méthode d'établissement, j'ai choisi une table simple dotée d'un plateau en bois massif. Celui-ci est constitué de trois pièces collées chant contre chant. Disposez-les face à vous (figure 1), dans l'ordre où vous souhaitez les assembler. Dessinez-y un triangle qui couvre les trois pièces (figure 2). Il n'est pas nécessaire de dessiner la base du triangle, puisque deux des côtés de ce dernier sont tracés sur chaque pièce, ce qui ne laisse pas de place à l'erreur.

Les quatre pièces de la ceinture, elles, sont marquées par paires. Ce n'est peut-être pas évident à première vue, mais il n'y a pas de différence entre le marquage des pièces formant la ceinture d'une table et celles constituant les côtés d'un coffret ou ceux d'un tiroir. Dans tous les cas, il y a une paire pour les pièces avant et arrière, et une paire pour les côtés. Il y a cependant une différence dans la façon de marquer des pièces debout et des pièces qui reposent à plat. J'ai marqué les pièces du plateau à plat, car c'est dans cette position qu'elles seront assemblées. Pour les marquer, les pièces de la ceinture sont posées sur le chant (comme celles d'un coffret ou d'un tiroir) et, par conséquent, le triangle sera tracé sur les chants supérieurs. La figure 3 montre les pièces avant et arrière de la ceinture; la figure 4 montre les côtés.

Les pieds, quant à eux, doivent être marqués sur la face, et non sur les bouts. Et comme on doit marquer les quatre pieds ensemble (et non par paire), l'opération exige un peu plus de travail. En effet, les quatre pieds constituent en théorie quatre paires de pièces différentes : les pieds avant, les pieds arrière, ceux du côté gauche et ceux du côté droit. Le marquage des pieds doit illustrer toutes ces informations.

La figure 5 montre les quatre pièces accolées; le parement des pieds avant étant marqué d'un triangle. En faisant faire un quart de tour aux quatre pieds, on met le côté droit face à soi. On y dessine également un triangle, mais la ligne de base est doublée (figure 6). La base du triangle étant la seule ligne que partagent ces « deux paires » de pieds, il est important de la doubler pour les différencier. Un autre quart de tour fait voir les pieds arrière (figure 7).

Cette fois, la base du triangle est triple. Un quart de tour additionnel montre le côté gauche, qu'on distingue par quatre lignes à la base (figure 8). En tournant encore une fois les quatre pieds, on voit de nouveau l'avant des pieds, à droite, et le côté gauche, à gauche (figure 9). Comme je le disais, la méthode est infaillible.

Voici quelques exemples supplémentaires. Ils proviennent d'un meuble qui comprend deux tiroirs identiques et deux portes identiques. Il s'agit de portes à panneau flottant.

Adrian C. van Draanen

Adrian C. van Draanen est né à Rotterdam, aux Pays-Bas, en 1927 et travaille le bois depuis plus de 70 ans. Il s'est établi au Canada en 1957. À l'âge de 65 ans, il a pris sa retraite de la Corporation des musées nationaux du Canada, où il occupait un poste dans l'atelier de menuiserie. On trouve certaines de ses réalisations dans les édifices du Parlement canadien.