Chaque année, j'anime un bon nombre de rencontres sur le jardinage. Immanquablement, quel que soit le sujet – papillons, abeilles, lavande, jardin hivernal ou jardin pour les aînés –, la période de questions finit toujours par porter sur les écureuils. À chaque fois, cela me hérisse. Mais j'essaie de ne pas le laisser paraître. La plupart des jardiniers que j'ai rencontrés au fil des ans adorent les tulipes, les tomates et les tournesols. Ils aiment les hirondelles, les mésanges et les cardinaux. Mais de toute évidence, ils n'aiment pas les écureuils. Certains vont même jusqu'à considérer leur jardin comme un champ de bataille.

Les sensibilités sont souvent vite exacerbées lorsqu'il est question des écureuils avec les participants à mes rencontres... ou avec mes voisins. Certains s'emportent, faisant valoir avec passion leur aversion pour ces rongeurs. Il n'y a aucun doute, les écureuils laissent peu de gens indifférents. Pendant que certains ont recours au poivre de Cayenne abondamment répandu dans le jardin ou aux pièges qui leur permettent de relocaliser au loin les petites bêtes qui ont décapité leurs tulipes, d'autres font appel à des moyens moins draconiens pour sauver leurs fleurs et leurs légumes. Pour ma part, comme jardinière soucieuse autant de la faune que de la flore, j'ai pris le parti d'admirer leurs facéties et leurs talents d'acrobate. En un mot comme en cent, j'ai décrété que j'aime les écureuils. Voilà, c'est dit. Je peux maintenant leur offrir des arachides sans scrupules.

J'aime les écureuils parce qu'ils sont enjoués et pleins de ressources, et parce qu'ils me font rire, particulièrement au cœur de l'hiver, quand le jardin est figé sous la neige et la glace. Contrairement à plusieurs mammifères, la plupart des écureuils n'hibernent pas. Tout l'hiver, ils sautent de branche en branche, se tiennent la tête en bas et déboulent le long des troncs. Maintenant, je dois avouer que, comme le champagne, je n'aime les écureuils que modérément. Par exemple, je n'aimerais pas que vous lâchiez une bande d'écureuils dans les plates-bandes devant ma maison.

Cela dit, les écureuils jouent un rôle important dans la nature en enterrant des noix qui, parfois, donnent naissance à des arbres dans la forêt. En tant que jardinière, j'essaie de cohabiter avec eux en aménageant un jardin dont mes invités, autant les humains que les animaux, pourront profiter toute l'année. Ils m'obligent aussi à faire preuve d'humilité, surtout en ce qui concerne l'aménagement du jardin, étant donné leur propension à tout chambouler. Il m'a fallu pas moins de trois décennies pour apprendre à vivre en harmonie avec les écureuils et à les aimer. Voici ce que j’ai appris.

1. Partager

Comme n'importe quel être vivant, les écureuils ont besoin de manger. C'est pourquoi ils s'en prennent aux mangeoires en les rongeant pour voler les graines. En moyenne, un écureuil mange environ une livre de nourriture par semaine. En plus des arachides et des graines de tournesol, son alimentation se compose de cônes de pin, de glands de chêne, de noix de caryer et de baies. Une année, j'ai décidé de leur laisser de la nourriture sur le sol pour les éloigner des mangeoires à oiseaux. Cela a si bien fonctionné que je le fais maintenant toute l'année. Au printemps, cela les éloigne des jeunes pousses de vivaces.

2. Se montrer plus malin

Tout comme certains de mes amis, les écureuils souffrent d'intolérances et d'allergies alimentaires. Les écureuils aiment bien manger les bulbes de tulipes fraîchement plantés? Il suffit de planter des bulbes de narcisses, d'ail ornemental ou de fritillaires. L'odorat fin des écureuils les éloigne de ces bulbes, dont certains sont toxiques pour eux. Mieux encore : vous pouvez planter des bulbes de tulipes entourés de narcisses. Veillez cependant à ne laisser aucune enveloppe de bulbe sur le sol. J'ai également l'habitude de planter mes bulbes tard à l'automne et de les enterrer suffisamment creux pour éviter que les écureuils les déterrent.

3. Tirer profit de leur odorat

Je dois admettre que les écureuils gris (Sciurus carolinensis) – dont la fourrure est noire dans ma région nordique – qui fréquentent mon jardin ont dévoré quelques-uns de mes bulbes de tulipes et de crocus. Un de mes camarades du groupe Master Gardeners m'a suggéré d'employer du fumier de poule vendu sous forme de granules. Imperceptible pour moi, son odeur dégoûte les écureuils. Ils n'aiment pas non plus plus l'odeur de la farine de sang et de l'urine de coyote. À défaut d'urine de coyote, le marquage de son territoire par mon chien garde les écureuils à distance.

4. Leur faire obstacle

Sans entrer dans des considérations politiques, il faut reconnaître qu'un mur est parfois utile. Il en va de même des barrières. Comme l'écrivait le poète Robert Frost, « les bonnes clôtures font les bons voisins ». Judicieusement placé dans le potager, du grillage de basse-cour ou une couverture flottante préviendra les dommages causés par les écureuils. Un pare-écureuil fixé au poteau des mangeoires à oiseaux ou une cage grillagée disposée autour de ces dernières limitera efficacement l'accès à leur contenu. On peut aussi couvrir les bulbes fraîchement plantés de grillage de basse-cour à travers lequel les fleurs pourront croître ou d'un panneau qu'il suffira de retirer avant que les fleurs commencent à pousser.

5. Les tenir occupés

L'été dernier, j'ai acheté une mangeoire à épi de maïs qui occupe les écureuils en les faisant virevolter, un peu comme une corde de bungee. Et ça fonctionne. Tout l'été, j'ai regardé les écureuils bondir de haut en bas tout en essayant de manger. Je dois ajouter que ces pitreries ont beaucoup amusé ma petite-fille de trois ans et l'ont tenue loin des plates-bandes pendant tout un après-midi.

6. Les approvisionner en eau

Je trouve touchant de voir les écureuils boire de l'eau dans l'un des nombreux plats que je laisse sur le sol et dont je change l'eau tous les matins pour éviter la prolifération de moustiques. Les écureuils aussi ont besoin d'eau. Et ce n'est pas touchant du tout de voir un écureuil grignoter la tige d'une plante à la recherche de quelque chose pour se désaltérer en période de canicule. Selon mon éthique de jardinière, en faisant une faveur aux écureuils, je m'attends à ce qu'ils en fassent autant pour moi... en laissant mes plantes tranquilles.

7. Laisser la nature suivre son cours

Au fil des ans, plusieurs écureuils gris ont investi ma cour. Puis, un hiver, j'ai constaté la présence d'une nouvelle famille d'écureuils dans un de mes nichoirs d'oiseaux. Tôt au printemps, trois petits écureuils roux (Tamiasciurus hudsonicus) ont pointé leur museau hors du nichoir, tout curieux d'aller explorer le monde. Outre les humains, les écureuils ont quelques ennemis naturels. Les hiboux, les coyotes et les chats – en particulier le gros matou noir qui rôde dans le voisinage – comptent parmi leurs prédateurs. L'automne venu, il ne restait plus qu'un seul écureuil roux dans les environs. Les autres ont disparu ou se sont enfuis.

8. Garder le sourire

L'été dernier, une de mes amies est restée bouche bée en voyant un écureuil écorcer une jeune branche d'un arbre, sans doute pour fabriquer un gros nid (appelé bauge). Je l'ai invitée à garder le sourire. Les écureuils étant omnivores, ils nous débarrasseront sans doute aussi de certains insectes nuisibles. Et somme toute, ce n'est pas si mal. Nos écureuils gris sont tout de même plus sympathiques que les écureuils géants de l'Inde (Ratufa indica), dont la longueur peut atteindre 1 m (plus de 3 pi). En plus, ils contribuent à garder le chien de mon amie en forme et lui offrent (à elle, pas au chien) un bon sujet de conversation avec ses nouveaux voisins. « J'aime les écureuils », ai-je marmonné. Vraiment, je les aime. Maintenant, par curiosité, je voudrais savoir : y a-t-il une journée de la mouffette?